Le palais des Papes de Sorgues

Par Guilhem BARO

Cette publication s'inscrit dans le cadre de deux diagnostics d'archéologie préventive réalisés en avril et juin 2013 à Sorgues au lieu-dit «Le Château ». Cette appellation renvoie à l'ancien palais des papes construit par Jean XXII de 1318 à 1324.

 



Essai de reconstitution de l'organisation spatiale du palais

Plusieurs sources permettent de tenter une reconstitution de l'organisation du bâtiment. En premier lieu, les sources iconographiques. Trois aquarelles provenant de l'album Laincel (1) permettent de se faire une idée de la configuration du palais (fig. 1, 2 et 3). Ces dessins ne sont pas datés mais ils sont probablement de la fin du XVIIe siècle ou du début du XVIIIe siècle. Ils montrent l'édifice après qu'il ait été brûlé en 1562 et il semble donc que sa structure ait survécu aux destructions des guerres de religion.

Ces dessins montrent un bâtiment rectangulaire avec une tour carrée à chaque angle et une tour supplémentaire au milieu de l'aile ouest. Les murs comportent des créneaux et les tours possèdent des mâchicoulis. Côté ouest se situe le pont.



La troisième vue représente les côtés sud et est (fig. 3) ; ces côtés sont pourvus de murs différents des faces nord et ouest car on retrouve entre les tours des hauts contreforts avec, entre ces contreforts, des renforcements en voûte semblables à ceux du nouveau palais des papes d'Avignon, commencé après 1344. On remarque également la présence d'une sixième tour au milieu de l'aile sud. Le mur d'enceinte qui entoure le palais possède des tours basses aux angles nord-est et sud-ouest. Le seul bâtiment que l'on puisse identifier sur les gravures est la cuisine avec son toit pyramidal particulier. Aucune de ces constructions n'apparaît sur le cadastre du XIXe siècle.

Une autre source iconographique nous est donnée par le cadastre napoléonien (fig. 4). Le cadastre de 1810 signale en effet la dernière tour du palais ainsi que certains pans de murs : la feuille de la section K, dite du village, signale une tour, la tour nord-ouest. Le cadastre a également conservé dans son parcellaire l'emplacement d'une partie du monument, 3 ailes sur 4. D'ailleurs, le tableau d'assemblage du cadastre napoléonien de la commune de Sorgues matérialise comme bâti un quadrilatère situé au nord de la ville (fig. 5).

Enfin, une dernière gravure (2) plus récente, de 1817, nous montre les derniers vestiges du monument (fig. 6). Elle représente la tour nord-ouest (celle appartenant à Etienne Merle) encore intacte ainsi qu'une portion de l'aile ouest du palais.

Les sources historiques confirment les renseignements fournis par les gravures de l'album Laincel. Les comptes de construction du palais précisent l'existence de quatre ailes disposées autour d'une cour centrale avec, également, la présence de quatre tours placées aux angles de ce quadrilatère et d'une cinquième placée sur l'aile ouest (fig. 7).

L'aile méridionale, dite du côté de la ville, abrite à l'étage inférieur la salle du consistoire qui possède des arches et des piliers (3). Le 25 avril 1322, les dalleurs sont payés pour 97 cannes carrées de dallage dans la salle du consistoire, ce qui représente une superficie de presque 190 m2. A l'étage de cette aile méridionale, les comptes parlent d'une chapelle reliée au consistoire par un escalier (4). La troisième vue de l'album Laincel (fig. 3) montre la présence d'une sixième tour au milieu de l'aile sud. Cette tour est différente des cinq autres car elle est de la même hauteur que le rempart, contrairement aux autres qui sont plus hautes. Elle ne semble pas être mentionnée dans les comptes de constructions : il se pourrait, comme le suggèrent Luttrell et Blagg, qu'elle ait abrité l'escalier reliant la chapelle au consistoire (Luttrel-Blagg 1997, 123) (5). La chapelle est double car les comptes parlent d'une chapelle basse (Theis 1997, 42) (6).

L'aile orientale abrite à l'étage les appartements du pape dont sa chambre, son studium et sa garde-robe (7). Une autre pièce qui se trouve probablement dans l'aile est est le réfectoire, le tinellum, auquel le pape peut accéder de sa chambre par une porte, ce qui laisse à penser qu'il se situe au même niveau que les appartements du pape. La toiture du réfectoire est refaite en 1327 (Theis 2012, 234).

L'aile septentrionale, située du côté de la Sorgue, possède une grande salle au premier étage, sans doute une salle de réception ou d'apparat (Theis 2012, 234).

L'aile occidentale du palais est divisée en deux parties égales par une tour centrale au niveau de laquelle se trouvait la porte d'entrée principale. Cette tour est voûtée et possède quatre étages ainsi qu'un campanile (Luttrel-Blagg 1997, 21) (8). Un texte de juin 1321 nous apprend que du métal est acheté à Sorgues pour réaliser une cloche (Luttrel-Blagg 1997, 21) (9). Les pièces adjacentes sont certainement réservées au service et nous serions tentés d'y replacer les chambres des chevaliers.

Les quatre tours d'angles du palais ne sont pas simplement des lieux de passage d'une aile à une autre mais sont elles aussi des lieux d'habitations. Ces tours sont de deux types : soit voûtées en croisées d'ogives (les deux tours à l'est et la tour centrale de l'aile ouest) soit faites de planchers et de charpentes (les tours nord-ouest et sud-ouest) (10). Toutes ont un plan carré. La tour sud-est est occupée par la chambre du cardinal neveu du papel (11) (Theis 1997, 120). Les comptes révèlent également que les deux tours à l'est contiennent six pièces voûtées. Les tours possèdent des fenêtres et des escaliers en pierre (Luttrel-Blagg 1997, 21)12, trois à quatre étages et trois à quatre pièces, certaines parfois divisées par des cloisons de plâtre (Luttrel-Blagg 1997, 24) (13). Le palais s'organise autour d'une cour centrale. La cour est bordée d'arcades sur deux niveaux, ce qui forme une sorte de cloître à deux étages (14). Dans cette cour se trouve probablement le grand escalier couvert cité dans les comptes (magnum gradarium lapideum) qui permet de desservir les deux étages des ailes.

Les parcelles « Rue du Château » : exploration au coeur du palais

Un premier diagnostic d'archéologie préventive, prescrit dans le cadre du projet de construction d'une habitation individuelle, a été réalisé au mois d'avril 2013 au coeur de l'emplacement de l'ancien palais des papes de Sorgues. Sept sondages ont été réalisés pour cette première opération (fig. 8). Ils ont été pratiqués à l'emplacement des ailes ouest et sud de l'édifice. Les sondages ont permis de dégager des structures appartenant à l'ancienne demeure papale.

De forme quadrilatère, il possédait quatre tours d'angle ainsi qu'une tour-porte imposante sur la façade ouest.

De ce bâtiment, il ne subsiste aujourd'hui qu'une portion de l'aile occidentale, comprise entre la tour nord-ouest et la tour centrale de cette aile, aujourd'hui divisée en quatre habitations (fig. 9 et 10). Cette portion permet de calculer les dimensions du palais, qui mesurait environ 75 m de côté, et de situer son emplacement précis tout en s'aidant du cadastre qui a conservé dans son parcellaire son tracé. Les vestiges de l'aile ouest sont conservés sur une longueur de façade de 25 m et sur une hauteur d'environ 12 m et possèdent des fenêtres sur quatre niveaux, dont des fenêtres en ogive au dernier niveau. Cette structure médiévale est construite en parement de pierres de taille. Le mur intérieur de cette partie ouest est assez encombré par des constructions modernes mais des éléments restent bien visibles. Le dernier étage recèle quatre portes en ogive d'environ 2 m de hauteur. En-dessous de la porte la plus au sud se trouvent une rangée de trous d'encastrement des poutres de la charpente d'un plancher (des opes) et, dessous, une fenêtre réalisée en obstruant partiellement une porte préexistante. Les portes au niveau le plus haut donnent accès aux salles éclairées par les fenêtres en ogive du côté ouest.

 

Au sud de la construction, il reste les vestiges d'une voûte en berceau traversant toute la largeur du bâtiment. Il s'agit des restes de la porte d'entrée principale du palais. Le palais était fortifié par une muraille qui comportait plusieurs portes. De cette enceinte subsiste une portion de muraille à l'ouest de la tour sud-ouest, de l'autre côté de la rue. D'environ 80 m de long, elle est bâtie en pierres de taille. Le mur a 2,60 m d'épaisseur à cet endroit. Les vestiges d'une porte sont encore visibles : elle conserve des mâchicoulis consistant en un arc trilobé supporté sur quatre assises de corbeaux avec des moulures en quart de rond.

La parcelle cadastrée DV n° 140 a permis d'explorer l'aile ouest du palais avec les sondages 1, 2, et 4 qui ont fait apparaître des structures bâties. Ces vestiges se présentent sous la forme d'arases de fondations en béton de chaux (fig. 11). Ces trois structures parallèles nous permettent d'en savoir plus sur l'organisation spatiale du palais. Ces 3 arases sont situées dans l'alignement et la continuité des murs existant du palais, visibles en élévation dans l'aile ouest (occupée actuellement par les maisons). L'espace entre chaque arase nous montre que l'aile ouest était organisée en deux corps de bâtiments ou en deux travées, chaque arase étant distante de la suivante d'environ 4,50 m. Dans le sondage 1, l'espace entre les deux arases de fondations a été fouillé : sous une couche de destruction hétérogène et compacte constituée d'objets métalliques, de bois et poutres brûlés et de cailloux, nous avons mis en évidence un niveau de sol brûlé correspondant à un niveau d'habitat d'une salle du palais.

Le sondage 3 concerne également l'aile ouest du palais. Ce sondage a livré une structure bâtie en son centre : il s'agit d'un bloc maçonné de forme losangique et mesurant environ 0,90 m de long sur 0,64 m de large (fig. 12). Ce bloc est prolongé par une structure bâtie, identifiée à un mur, axée sud-ouest / nord-est et disparaissant dans la berme ouest. Il a été interprété comme étant un support pour une colonne. Le palais possédait au niveau de la cour centrale une galerie voûtée avec des colonnades souvent décrite comme un cloître et qui servait de déambulatoire pour pouvoir rejoindre les différentes ailes du palais. Ce support peut, probablement, être mis en relation avec cet ancien cloître.

C'est ensuite dans la parcelle cadastrée DV n° 21 que nous avons pu nous documenter sur l'aile sud du palais avec les sondages 6 et 7. La limite sud de cette parcelle est constituée d'un mur de clôture, d'environ 2,50 m de haut, bâti en pierres de taille et pouvant être assimilé aux vestiges du mur de façade de l'aile sud. Les éléments mis au jour de ce côté de l'ancien palais ne permettent pas de dire si cette aile était composée de deux corps de bâtis ou bien d'un seul. Dans les sondages 6 et 7, nous avons fait apparaître une arase de fondation parallèle au mur de façade sud marquant ainsi l'emplacement d'une première travée ; mais plus au nord, nous avons remarqué la présence d'une probable tranchée de spoliation d'un mur sans que nous réussissions à mettre en évidence les restes d'une maçonnerie marquant l'emplacement d'une seconde travée.

Nous avons pu constater dans ces différents sondages que les vestiges sont très arasés du fait de leur destruction à la fin du XVIII' siècle. Sept tranchées de spoliations de murs du palais ont été mises en évidence. Les vestiges sont enfouis à une moyenne de 1,50 m sous le niveau de sol actuel.

Concernant le mobilier, les fragments de céramiques découverts les plus anciens remontent au XIIe siècle. Mais de nombreux fragments sont à rattacher au XIVe, époque de la construction du palais. Ce sont les tranchées de spoliation qui nous ont livré le plus de mobilier et notamment des carreaux de pavement à pâte réfractaire et à glaçure verte ou brune, typique du XIVe siècle.

Les dépendances du palais

Un second diagnostic d'archéologie préventive, prescrit dans le cadre du projet de construction d'un jardin public et d'un parking, a été réalisé à Sorgues au mois de juin 2013 sur la parcelle cadastrée DV 73, située au sud de l'emplacement du palais (fig. 8). Cette opération a nécessité l'ouverture de dix-huit sondages et la nappe phréatique a été atteinte, dans la plupart, à 1,30 m sous le niveau du sol actuel. Seulement cinq sondages ont révélé des éléments enfouis. Cependant, cette parcelle possède des vestiges bâtis qui peuvent être rattachés au palais et plus particulièrement à ses dépendances.

Ces dépendances sont protégées par une muraille dont demeurent encore des vestiges. Mentionnée en 1332 (15), elle comporte plusieurs portes dont deux possèdent une herse. Parmi les dépendances, situées à l'extérieur du palais mais protégées par l'enceinte ou fortalicia, on trouve la maison du viguier, un hospicium, les cuisines principales et les latrines ainsi que plusieurs domus (16). Près de la tour sud-ouest se situe une porte principale, portale primum palacii, défendue par une herse (17) alors qu'en 1320 une vieille porte fait l'objet de réparations (18). En 1357, Innocent VI renforce la défense du palais face à la menace des compagnies : il fait construire une nouvelle enceinte défensive, un pont-levis à l'entrée principale (Luttrel 1997, 38) (19) ainsi qu'un fossé (20).

De cette enceinte subsiste une portion de muraille (MR 14) à l'ouest de l'emplacement de la tour sud-ouest, de l'autre côté de la rue (fig. 7). D'environ 50 m de long, elle est bâtie en pierres de taille. Le mur a 2,60 m d'épaisseur à cet endroit avec des hauteurs d'assises de 0,23 m en moyenne. Il est possible de suivre le tracé de cette enceinte plus à l'ouest et au nord en suivant la rue en direction du pont sur l'Ouvèze (fig. 7). Le mur de limite de propriété en bordure de la rue est bâti en pierres de taille dans la partie basse. Ce mur rejoint l'Ouvèze et se retrouve également au nord, en bordure de la rivière (fig. 7). Il se perd ensuite sous des constructions modernes et sous une digue de protection contre les crues. Les vestiges de la porte principale de cette enceinte menant au palais demeurent également. Cette construction conserve des mâchicoulis consistant en un arc trilobé supporté sur quatre assises de corbeaux avec des moulures en quart de rond. Il n'existe actuellement aucune trace de l'emplacement des fossés. Cependant, le cadastre napoléonien fait apparaître à l'est une bande de terrain, correspondant à l'actuelle « Impasse des jardins du château », qui pourrait correspondre à une partie des douves (21) (fig. 7). De plus, un canal en eau apparaît sur le cadastre du XIXe siècle, au sud du complexe palatial, débouchant dans l'actuelle « Rue des remparts » (fig. 4).

Une autre dépendance est la salle de l'Audience. Sa construction commence en juin 1322 et se termine en 1324.

Des travaux importants sont réalisés entre décembre 1323 et février 1324 pour le dallage de l'audience et pour la réalisation d'escaliers de pierre et de bancs (22).

Des jardins d'une superficie de trois hectares et demi se développent vers l'est (23) et les textes nous apprennent qu'ils sont délimités au nord par la Sorgue et au sud par la maison de l'audience (Barret 2004, p. 140) (24).

Les travaux d'aménagement du grand verger durent de novembre 1322 au printemps 1324 (Barret 2004, 141) (25). Enfin, ce grand verger est complété par un vivier : sa réalisation s'échelonne de 1332 à octobre 1333 (Barret 2004, 192) (26).

Les travaux débutent par la construction d'un aqueduc pour acheminer l'eau jusqu'au bas du verger. Il est précisé que celui-ci avait une longueur de 1300 cannes, soit environ 2,5 km.

La limite nord-ouest de la parcelle est occupée par un mur en pierres de taille (MR 15) d'un mètre d'épaisseur conservé sur environ une vingtaine de mètres de long et sur environ 3,30 m de hauteur (fig. 13 et 14). Cette partie est percée de deux portes (PR 16 et PR 63) couvertes d'un arc en plein cintre (fig. 14), aujourd'hui murées ainsi que de 3 niches, vestiges de 3 ouvertures en ogive. Il est à noter que le mur nord se poursuit plus à l'ouest sur d'autres parcelles et qu'il existe également une 4e fenêtre murée entre les parcelles DV 85 et 84.

Plus à l'est, une rupture dans l'appareil marque la limite du mur primitif. Un autre mur (MR 64) a été accolé à MR 15 et se poursuit sur 22 m de long jusqu'à une porte moderne (PR 65). Il a une épaisseur d'environ 0,55 m et semble être moderne.

A l'est de cette porte, un autre mur (MR 31) est conservé. Axé nord-sud, il est bâti en pierres de taille et est conservé sur environ 3,50 m de hauteur sur une épaisseur d'environ 0,37 m.

Les pierres de taille sont visibles sur 1,50 m environ et, ensuite, un parement en petites pierres a été collé sur le parement d'origine formant un mur plus épais d'environ 0,74 m sur une longueur de 3,70 m environ. Au sud, MR 31 rejoint un mur (MR 56) observé dans le sondage 16. Il est axé sud-ouest/nord-est et est conservé sur 3,40 m de hauteur sur environ 8,50 m de long (fig. 13).


Vers le sud-ouest, ce mur MR 56 a été détruit sur 6,50 m de long et n'est conservé que sur une assise visible soit environ 0,30 m de hauteur. Par la suite, il est à nouveau visible sur environ 3,30 m de long et est conservé sur 10 assises.

Vers le nord-est, le mur MR 56 se poursuit sur 6,30 m de long mais n'est conservé que sur 2,32 m pour une épaisseur de 0,70 m. Ensuite, l'appareil marque une rupture ainsi qu'un recul pour former un autre mur (MR 42) accolé au précédent, d'environ 0,50 m de largeur, conservé mir 10 m de long environ, sur une hauteur de 3,50 m. Cette structure MR 42 a été observée dans le sondage 11. Ce sondage a fait apparaître sur le mur de clôture une sorte de ressaut qui correspond en fait à la différence d'épaisseur de maçonnerie entre la structure médiévale MR 56 et le mur moderne MR 42 bâti par-dessus. e mur de clôture est ensuite interrompu par une rue menant de l'avenue Saint Marc à la parcelle DV 69, actuellement occupée par un stade (fig. 13).

Il se poursuit après cette rue. Bâti en pierres de taille, il est conservé sur 22,60 m environ de long pour une hauteur de 2,70 m et une épaisseur de 0,70 m. Il présente les mêmes caractéristiques que le mur MR 56.

Interprétation des vestiges

La partie nord-ouest de la parcelle est occupée par les vestiges d'un bâtiment imposant identifiable à la salle de l'Audience : les deux portes en plein cintre (PR 63 et PR 16) ainsi que les 3 fenêtres en sont le témoignage. Le mur MR 15 constitue la limite nord de ce bâtiment (fig. 13 et 14).

Les sondages 1, 2, 3, 4, 6 et 7 nous ont permis d'explorer cette ancienne salle. Les sondages 6 et 7 ont fait apparaître une structure (MR_ 26) perpendiculaire au mur MR 15 (fig. 15). Ce mur MR 26 rejoint MR 15 au niveau de la rupture dans l'appareil entre MR 15 et MR 64. Il constitue la limite est du bâtiment.

Les sondages 3 et 7 ont livré un mur MR 10 (fig. 15) perpendiculaire au précédent et parallèle au mur nord, marquant la limite sud de ce bâtiment. Le sondage 3 a également livré un dallage en pierres.

Le sondage 4 a révélé un seuil de porte SPR 18 ainsi qu'une calade de galets du Rhône de datation moderne que l'on retrouve également dans le sondage 6 (fig. 13 et 14). 

Plus à l'est, MR 15 se poursuit par un mur moderne (MR 64) jusqu'à une porte moderne (PR 65).

Plus au sud, le mur axé sud-ouest/nord-est (MR 56) est visible sur une grande longueur. Son tracé, interrompu à deux endroits et reconstruit à un autre (MR 42), peut être reconstitué sur environ 67 m de long et correspond au mur de clôture du palais et de ses dépendances (fig. 13).

Le sondage 7 a fait apparaître un mur MR 32 axé est-ouest qui n'est autre que la continuation du mur de clôture MR 56 (fig. 15). MR 32 se rattache à MR 10 identifié dans le sondage 3 et marque la limite sud du bâtiment. Le mur de clôture vient se rattacher à l'angle sud-est du bâtiment de l'Audience. Les autres sondages situés au sud de cette limite ont tous été négatifs.

Concernant le mobilier, sur les six sondages en ayant livré, un seul fragment de céramique trouvé dans le sondage 3 peut être rattaché au Moyen Âge (XIIIe siècle). De même, cette opération n'a livré qu'un seul petit fragment de carreau de pavement à glaçure verte, vestige de l'ancien palais des papes dans le sondage 7. L'essentiel du matériel prélevé est datable du XVIII' et du XDCe siècle. Les 18 sondages réalisés pour cette opération n'ont pas livré de dépôt d'occupation lié à une activité au Moyen Âge. Les lieux ont fait l'objet d'un entretien régulier et minutieux afin de débarrasser le secteur des immondices ou détritus du fait du prestige des lieux (salle de l'Audience).

Malgré l'importance historique du lieu et le prestige des anciens propriétaires, le site, d'un grand intérêt archéologique, ne présente que des vestiges très fugaces. Cette opération nous a tout de même permis d'explorer de façon inédite un secteur encore méconnu et d'apporter des réponses sur l'organisation spatiale du palais, de ses dépendances et notamment de la salle de l'Audience. Elle présente la même configuration que la grande salle de l'Audience bâtie par Jean XXII au palais des papes d'Avignon. Salle publique, elle se situe à l'extérieur du palais pour permettre l'accès aux spectateurs lors des audiences.

Extrait de la 26ème édition des Etudes Sorguaises "Souvenirs et curiosités... des temps anciens" 2015

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1- Avignon, bibliothèque du Musée Calvet : l'album « Vues d'Avignon, du Comtat etc. » a été donné au Musée par le marquis de Laincel en 1851.

2- Le palais de Pont-de-Sorgues par Jean-Jérôme Baugean, bibliothèque nationale de France.

3- Arch. Vat., IE 37, fol. 103 Thomas Daristot...promisit...pingere aulam a parte inferiori seu inferiorem staggam que est in dicto palacio a parte ville cum arcubus fenestris et pilaribus... fuit ordinatum quod in predicta aula a parte inferiori fieret consistorium pro domino nostro.

4- Arch. Vat., IE 53, fol. 38. Solvi Bernando de Sancto Canat pro quadam vista lapidea per ipsum facta in gradario quod est in capella dicti palacii per quod descenditur de capella ad consistorium dicti palacii a parte inferiori.

5- Arch. Vat., IE 53, fol 56 y°. Une fenêtre est réalisée en 1323 in gradario quod est in capella dicti palacii per quod descenditur de capella ad consistorium dicti palacii a parte inferiori pro illuminando dicti palacii,

6- Schâfer t.3, p. 295.

7- Arch. Vat., IE 37, fol. 105. Solvi pictoribus infra scriptis que operati fuerunt in picturus studii et camerarum domini nostri in aula que est a parte orientis.

8- Arch. Vat., IE 53, fol. 50 y°. Gravure album Laincel. Arch. Vat., IE 41, fol. 154 et 155.

10- Arch. Vat., IE 37, fol. 113. De qua fuit enfustata turris dicti palacii que est juxta parvum portale a parte ville. Arch. Vat., IE 53, fol. 39. In faciendo quodam domo parva super turrem enfustatam dicti palacii que est juxta coquinas.

11- Arch. Vat., IE 53, fol. 30 y°. Solvi...in scobandis et mundandis...turrem domini cardinali.

12- Arch. Vat., IE 37, fol. 45.

13- Arch. Vat., IE 37, fol. 19 v°, 25, 27 v°, 33, 33 v°, 34 v°, 43, 43 y°, 57 v°, 68.

14- Arch. Vat., IE 53, fol. 30. in scobandis et mundandis claustris dicti palacii a parte superiori et a parte inferiori.

15- Arch. Vat., IE 35, fol. 20 v0 : munis pro clausura dicti palacii. En 1330, il est fait mention d'un mur du palais du côté de la ville, murus palacii a parte ville.

16- Pour la maison du viguier, elle est décrite intra fortalicia en 1320 et elle possède ses propres toilettes : Arch. Vat., IE 37, fol. 10, 11 et 28 ; IE 53, fo1.48 v0, 49 v0 et 50 ; l'hospicium intra fortalicia dicti palacii : Arch. Vat. IE 37, fol. 62. Les cuisines se trouvent près de la rivière et possèdent un pilier central en pierre. Des marches en bois permettent de monter à l'étage à la croca coquinarum : Arch. Vat., IE 53, fol. 55 et 59. Il s'agit du bâtiment avec le toit pyramidal reconnaissable sur les gravures de l'album Laincel (fig. 2 et 3). Les latrines sont décrites comme étant à côté des cuisines : in latrinis juxta coquinas dicti palacii, Arch. Vat., IE 53, fol. 37.

17- Arch. Vat., IE 53, fol. 49 v0. Cette porte est détruite par un incendie de la maison du Viguier située à côté. Arch. Vat., IE 37, fol. 11. Domus seu casa ubi operabatur porta coladissa que est a parte sorgie iuxta domum quam inhabitat viguerius.

18- Arch. Vat., IE 37, fol. 25. Primum portal antiqum.

19- Arch. Vat., IE 269 fol. 90 v0. En 1359, un pont-levis est construit à l'entrée du palais, pons levaticus in dicto palacio. En 1371, le mécanisme du pont est remplacé ; pons qui levatur in introitu palacii.

20- Arch. Vat., IE 293, fol. 195 pro fossatis in circuitu et pro custodia eiusdem castri.

21- Arch. Vat., IE 212, fol. 33. Un pont du jardin (pons jardin!) cité en 1343 laisse à penser que le fossé se situe entre le palais et les jardins ce qui pourrait correspondre à l'actuelle Impasse des jardins du château. 

22- Arch. Vat., IE 53, fol. 144.

23- Arch. Vat., IE 53, fol. 31 v0 des trous sont creusés dans le jardin a parte orientis.

24- Schâefer 1911, 631. Quod est juxta flumen Sorgie...usque ad domum audientie palacii. La salle de l'Audience semble donc se situer au sud du palais.

25- Les comptes permettent de distinguer trois grandes phases de travaux et d'aménagements des jardins : en premier lieu, l'aménagement d'un petit jardin à l'ouest ou au nord du palais, ensuite la construction du grand verger et enfin la construction du vivier à l'intérieur du grand verger. Le premier jardin est mentionné dans les textes dès 1320. En 1322, des travaux ont lieu : il s'agit de construire une enceinte maçonnée qui se substitue à une enceinte de bois construite deux ans plus tôt. Une fois que l'enceinte est terminée, on plante les arbres. La deuxième phase correspond à l'aménagement du grand verger à l'est du palais. Les travaux durèrent de novembre 1322 au printemps 1324. Cette fois-ci, les aménageurs plantèrent d'abord les arbres avant d'édifier une enceinte au grand verger: on planta les arbres en novembre 1322 puis en février 1323 et la clôture fut réalisée entre avril 1323 et avril 1324. En février 1323, 200 arbres sont plantés au palais (Barret 2004, 142 ; Arch. Vat., IE 53, fol. 33). A cette occasion, plusieurs dizaines d'hommes et de femmes de Sorgues et de Bédarrides sont mobilisés afin de creuser des fossés droits « à l'équerre », ce qui montre une régularité dans la plantation. Ce jardin est fermé par d'épaisses et hautes murailles. Il est également subdivisé par des clôtures plus légères en bois servant d'enclos pour les animaux de la ménagerie. Le couvert végétal du jardin pontifical est composé de vigne, d'arbres, le plus souvent fruitiers, de plantes herbacées, plantes potagères, condimentaires, légumineuses et céréales.

26- Les poissons viennent de différents étangs du Languedoc, du Beaujolais, du Mâconnais et du Charolais. Le 23 août 1344, un convoi de poissons est organisé pour les palais de Sorgues et d'Avignon. Il comprend 1922 brochets, 3660 petits brochets, 143 carpes, 1215 tanches, soit 6940 pièces importantes, plus quantité de petits poissons destinés à servir de nourriture aux plus gros. Ce transport nécessite finalement onze voyages et coûte 179 livres (Theis 1997, 125). Autour du vivier, des plantations de diverses espèces sont réalisées pour recréer un espace naturel.

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Bibliographie

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