La mort d’un « Rojo »
Au cours de l’hiver 1939, un des plus froids du siècle, ce fut l’exode de cinq cent mille réfugiés espagnols qui fuyaient la dictature franquiste. Parmi eux, les frères Quinonero Diégo l’aîné et Ginés, ils furent accueillis par les forces de l’ordre de la Troisième République du gouvernement Daladier (10-04-1938 — 11-05-1939). Ils se retrouvèrent au camp d’Argelès-sur-Mer, lieu provisoire, sommairement aménagé, qui était balayé par un vent glacial. De 1939 à 1941, cette installation enregistra officiellement 215 décès.
Ils fuyaient la dictature sanglante de Franco, Ginés, officier de l’armée républicaine, et Diégo employé communal. Le nouveau pouvoir procédait à l’épuration des « rouges ».
Ginés connaissait une famille d’agriculteurs à Sorgues, il leur écrivit et c’est ainsi que tous deux furent accueillis par la maisonnée Aparisi. Le premier septembre 1939, la France déclara la guerre à l’Allemagne nazie. Il s’ensuivit une période d’attente mutuelle sans véritable combat appelée « la drôle de guerre » jusqu’à l’offensive allemande du 10 mai 1940.
Diégo avait douze ans de plus que son frère. Il était très corpulent, employé de bureau. Son physique ne le préparait pas à de longues marches. Il arriva à Sorgues diminué, très affaibli.
Au cours de l’année mille neuf cent trente-neuf, il tomba malade, c’était une congestion pulmonaire. Dans cette période tourmentée, il n’y avait plus un seul médecin disponible. Ils consultèrent le docteur Bonnefoy, médecin généraliste, domicilié place de la mairie. Le praticien refusa de soigner Diégo, le rouge, qui mourut le trente et un janvier mille neuf cent quarante, quartier du Bois-Marron.
Ils ne savaient pas à qui ils s’étaient adressés, c’était un partisan de la victoire nazie. Il les dénonça à la gendarmerie comme fugitifs espagnols. Ceux-là vinrent les arrêter pour les conduire au camp d’Argelès.
L’intervention du maire Aimé Pètre muni des documents officiels les sortit du piège tendu par Bonnefoy.
Le 30 décembre 1940, Pétain destitua le conseil municipal Aimé Pètre issu du Front populaire.
Le 24 août 1942, à la prise du commandement départemental du centre SOL* du Vaucluse, une cérémonie légionnaire fut orchestrée en l’honneur du médecin félon en présence du chef Darnand**.
Le 11 novembre 1942, l’Allemagne nazie occupait la zone dite libre. Le 29 septembre 1943 au cours d’une réunion de miliciens, Bonnefoy fut félicité par Max Knipping pour son engagement dans le corps des Waffen SS.
Sa vie privée n’était pas encourageante, d’une part une procédure de demande en divorce avait lieu, d’autre part les Sorguais boudaient son cabinet. Dans la nuit du 22 au 23 août 1944, ce suppôt d’Hitler s’enfuyait vers Paris.
Il mourut dans son lit à Belley (Ain) le 22 septembre 1981.
Raymond CHABERT
*service d’ordre légionnaire
**Darnand fut le premier Waffen SS et le premier à prêter serment à Hitler