La poissonerie Cottet

En 1919, M. et Mme Josselme créèrent, impasse de l'Orme, un magasin de vente de poissons, d'eau douce et de mer, de gibiers et de volailles. L'hiver, le mari exposait le gibier sur la face extérieure du commerce. Toute l'année, il parcourait le village en poussant son charreton chargé de poissons et il annonçait sa venue au moyen d'une corne faite d'un gros coquillage. Les habitants, alertés par l'appel, sortaient et se groupaient autour du vendeur. Ainsi, souvent, il lui arrivait de conseiller les ménagères sur la façon de cuisiner leur achat. Ces réunions, occasionnées par l'acquisition du poisson et la liberté des discussions, étaient un moment de convivialité et de bonne humeur.

En 1933, le neveu, Léopold Cottet, en compagnie de sa femme, prit la suite. Les époux exercèrent jusqu'en 1987. C'était un métier difficile. À l'heure actuelle, il perdure de la même façon : le travail s'effectuait et s'effectue toujours dans un environnement humide et froid, les pieds dans l'eau et les mains dans la glace afin de conserver correctement la marchandise.

Léopold, quant à lui, commençait très tôt le matin pour aller s'approvisionner en thons à Carry le Rouet. Aux mois de mai et juin de chaque année, il affichait sur un panneau : « vente d'aloses ». Elles étaient pêchées au viro-viro (1) à Vallabrègues. C'est un poisson migrateur qui vit en mer et vient se reproduire au printemps en eau douce. Il était très commun dans le bassin méditerranéen jusque dans les années 1970, les barrages du Rhône ont mis un terme à sa prospérité.

En 1987, Guy et Jacques décidèrent de poursuivre le négoce des parents, ils s'étaient investis dans cette idée à la sortie de l'école. Guy allait se ravitailler au Grau du Roi et à Sète pour les poissons et à Bouzigues pour les coquillages. C'était l'époque où l'on voyait les « merlus (2) » (morues) pendus à un crochet. Ils étaient exposés ainsi dans le commerce. C'était un produit bon marché, il était acheté par les bourses modestes. Il avait donné un proverbe en provençal : « tirassa lou merlus », tirer le diable par la queue.

Depuis 1996, la succession a été assurée par les deux fils de Guy, Jean et Léopold. La famille continua à travailler dans plusieurs secteurs d'activités : la maman, Élise, tenait la boutique, tandis que les « hommes » investissaient les marchés de Provence grâce à trois camions-magasins. Ils allaient à la rencontre de leur clientèle, évitant à cette dernière de se déplacer.

Tous en vrais professionnels conseillaient et conseillent toujours les chalands sur la façon d'apprêter les poissons ou les crustacés. À compter de l'année 2006, les parents se mirent définitivement en retraite. Tous utilisent des outils spécifiques à la profession : écailleur, couteau à fileter, cisaille, pince casse-homard.

En 2000, grâce à sa qualité relationnelle, la famille Cottet fêta soixante-sept ans d'exercice commercial, une extraordinaire longévité parmi les commerçants sorguais.

Nous remercions la famille Cottet pour son concours qui nous a permis de retracer cette belle histoire sur leur commerce, ainsi que pour le prêt des documents iconographiques.

Article de Mireille JAMMES & Paul ESTABLET

Extrait de la 29ème édition des Etudes Sorguaises "Des notables aux commerçants..." 2018

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(1) Viro-viro mot provençal, en français c'est un filet de pêche qui plonge et tourne incessamment au moyen d'un mécanisme mû par l'eau. Frédéric Mistral, le Grand Trésor, tome II, page 1131.

(2) Merlus en provençal, morue en français, nom masculin en provençal, Frédéric Mistral, le Grand Trésor, tome II, page 325.